« Ça ne finit jamais. On ne se doutait pas que notre fille allait devoir endurer toutes ces épreuves. Son courage est une leçon. Dans quelques jours, sans même terminer l’année scolaire, elle devra subir deux nouvelles opérations. On approchera la vingtaine alors qu’elle vient de fêter ses onze ans. »

C’est main dans la main que Mélissa et Cedric, les parents de jumeaux nés grands prématurés, le 12 mars 2014 à l’Hôpital sud à Rennes, racontent comment leur vie et celle de leur famille à basculer. Quatre jours après la naissance de leurs jumeaux, un cathéter intraveineux est posé sur le pied de leur fille. Le nouveau-né qui pèse moins d’un kilo a besoin d’aide pour s’alimenter. Un goutte-à-goutte avec une solution d’hydratation lui est donc posé.

Le bandage occulte la nécrose

« Ce soir-là, vers 20 h, je m’aperçois qu’Inaya gesticule anormalement, son respirateur remonte vers ses yeux et une grosse boule s’est formée sur le haut de sa cuisse », explique Mélissa, sa mère. « Je demande que l’infirmière qui s’occupe exclusivement de ma fille vienne. Moi, je ne peux pas toucher ma fille qui est sous la couveuse. L’infirmière arrive 20 minutes plus tard et me rassure. Sans décoller le bandage. Je retourne dans ma chambre. Nerveuse, je me convaincs que je suis trop fatiguée pour être lucide. »

Vers minuit, lors d’un nouveau passage de l’infirmière, de très lourdes lésions cutanées sont découvertes. Le contenu de la perfusion s‘est diffusé hors de la veine et dans les tissus. L’enfant souffre d’une nécrose du pied gauche et d’une « ischémie », un manque d’irrigation par le sang, conclut le rapport médical lu lors de l’audience devant le tribunal administratif de Rennes le 16 mai dernier. Les parents demandent réparation au Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Rennes. Le rapporteur public a préconisé de condamner l’établissement à verser 175 000 € de dommages et intérêts. La décision sera rendue mi juin.

Nouvelles opérations

Aujourd’hui, âgée de 11 ans, la fillette conserve de lourdes séquelles sur la jambe et le pied. Son mollet est atrophié, son pied aussi. Et sa jambe est plus courte de 8 cm par rapport à l’autre. Dans quelques jours, Inaya rejoindra de nouveau l’hôpital Necker à Paris où elle est suivie depuis sept ans. Pour redonner de l’élasticité à la peau de son mollet, de la peau de son crâne lui sera prélevé puis réimplanté.

« On va devoir lui raser les cheveux alors qu’elle a des cheveux longs… Elle devra faire sa rentrée de septembre avec des cheveux très courts… À 11 ans, elle fait davantage attention au regard des autres. Mais c’est une battante. Son courage nous emporte. Nous et ses deux frères. Nos mères à tous les deux étaient aides soignantes à l’hôpital. On comprend que la médecine n’est pas une science exacte et qu’il peut y avoir des erreurs. Mais on a eu du mal à comprendre ce qui s’était passé et on a eu toutes les peines du monde à récupérer le dossier médical où il manque de très nombreuses pages… On nous a conseillé sans ménagement d’amputer la jambe de notre fille. Cela devant elle et ses deux frères. Le tout, lors d’un rendez-vous expédié. Certes sa jambe est très handicapée mais elle peut marcher et même courir un peu… à sa façon. Maintenant, on espère que les opérations de cet été puissent permettre à sa jambe de grandir lors de son adolescence. »