Lorsqu’en 2012 les frères jumeaux Nicolas et Sébastien Saliou ont intégré l’entreprise créée par leur grand-père, Raymond, et développé par leur père Pierrick, ce dernier était inquiet de voir ses deux fils, qui menaient leur carrière d’ingénieurs agricoles ailleurs, revenir dans les Côtes-d’Armor. La société Les Œufs d’Erwan (avec Les Œufs d’Armor pour la partie produits et conditionnement, et Pors Bodiou par sa partie distribution), basée à Minihy-Tréguier, qui produit et conditionne des œufs coquilles, affichait alors 400 000 euros de chiffre d’affaires. « Ils arrivaient avec leurs deux familles, allait-il pouvoir les faire vivre ? », se souvient Pierrick Saliou, aujourd’hui à la retraite mais qui joue le rôle de conseiller officieux de ses enfants.

Un centre de conditionnement ouvert en 2022

Aujourd’hui, alors que Les Œufs d’Erwan (45 salariés) a réalisé un chiffre d’affaires de 21 millions d’euros en 2024, a produit 18 % des œufs consommés en Bretagne et va en conditionner 30 % en 2026, le Costarmoricain peut être rassuré. Cette croissance a été portée par la hausse des ventes d’œufs en coquille, protéine bon marché plébiscitée par les consommateurs. Mais aussi et surtout par une série d’investissements réalisés par les deux dirigeants, à commencer par un centre de conditionnement de 3 200 m², ouvert en septembre 2022.

1 000 m² de panneaux photovoltaïques pour sécuriser le site

Cet équipement qui a coûté 3,5 millions d’euros s’est vite révélé trop petit. Dimensionné pour conditionner 100 millions d’œufs par an, il en a traité 115 millions en 2024, après des extensions et investissements en automatisme. « Nous avons investi 1 million d’euros pour six robots de conditionnement, et 300 000 euros pour l’automatisation du nettoyage des alvéoles (dans lesquelles les œufs sont placés, NDLR) », raconte Nicolas Saliou.

Une extension de stockage des emballages (350 000 euros d’investissement), en 2024, et la pose sur 1 000 m² de panneaux photovoltaïques, cette année, « pour assurer la sécurisation énergétique du site » participent à cette montée en puissance. Comme une autre extension de 250 m² de la partie expédition (250 000 euros d’investissement) cette année. Et ce n’est pas fini puisque l’objectif est de conditionner 125 millions d’œufs en 2025 et 170 millions en 2026.

Un potentiel de 200 millions d’œufs conditionnés par an

« Nous allons investir 2,5 millions d’euros en 2026 pour remplacer notre machine actuelle, qui a une capacité de 60 000 œufs conditionnés par heure, par une autre de 120 000 œufs par heure, soit un potentiel de 200 millions d’œufs conditionnés par an », annonce Sébastien Saliou.

Pour participer à cette augmentation de la capacité de ce centre de conditionnement, qui aura doublé entre 2022 et 2026, Les Œufs d’Erwan investissent également dans l’amont. Pour sécuriser ses approvisionnements, la PME costarmoricaine a acquis deux nouveaux sites de pontes. L’un à Minihy-Tréguier, installé dans un bâtiment existant tout près du siège et du centre de conditionnement de l’entreprise, compte 33 000 poules pondeuses. Il a été mis en service en mars. Le second, de 76 000 poules, est situé à Plouec-du-Trieux (Côtes-d’Armor) et devrait rouvrir après travaux à la fin de l’année.

320 000 poules pondeuses

« Ces acquisitions et travaux auront nécessité au total un investissement de 4,5 millions d’euros, dont 3,5 millions d‘euros en matériel, entre emballeuses, robotisation de la distribution d’aliments, volières… », note Pierrick Saliou. Avec ces deux nouveaux sites de production, Les Œufs d’Erwan en compte huit pour 320 000 poules pondeuses. Avec ce nouvel apport, la part des œufs conditionnés par la PME qui viennent de ses propres élevages s’élèvera à 55 %. Le reste vient d’autres éleveurs en direct ou par l’intermédiaire d’organisations de producteurs comme Le Gouessant.

12 millions d’euros pour automatiser les sites de production

« Tous nos sites sont automatisés. Pour cela, nous avons investi plus de 12 millions d’euros », note encore Nicolas Saliou. Des poules qui vivent au sol (55 %), en plein air (30 %) ou suivant la filière bio, alors que 100 % d’entre elles se trouvaient en cage en 2012. « Nous avons pris le bon chemin car les œufs provenant de poules en cage ne pourront plus être vendus en grande surface à partir de la fin de l’année », se félicite Sébastien Saliou.

Or, la GMS constitue 90 % des clients des Œufs d’Erwan, le reste étant destiné à la restauration hors domicile. « Nous fournissons toutes les enseignes présentes en Bretagne, sauf les hard discounters », pointe Nicolas Saliou. 80 % des œufs sont vendus sous Marques de distributeurs (MDD). « En octobre 2024, nous avons signé avec Intermarché un accord pour fournir environ 40 millions d’œufs sous la marque MDD Volae sur les départements des Côtes-d’Armor, du Finistère et du Morbihan », annonce Sébastien Saliou. Un gros contrat qui pèse près de 20 % du chiffre d’affaires de la PME costarmoricaine.

Trois marques propres

Les Œufs d’Erwan possèdent également trois marques propres : Keryann et La Croix Verte pour les centrales d’achat, et Les Œufs d’Erwan pour les magasins contractualisés en direct (30 % du total). « Ces derniers sont des locaux, pour lesquels nous assurons la mise en rayon, un service supplémentaire », souligne Pierrick Saliou. Trois dépôts, au centre de conditionnement de Minihy-Tréguier, à Ruca (Côtes-d’Armor) et à Saint-Gilles (Ille-et-Vilaine), sont affectés à ces ventes directes.

Aller chercher les 50 % de parts de marché en Bretagne

Aller chercher de nouveaux contrats de MDD constitue la priorité commerciale de l’entreprise. « Entrer dans les centrales avec nos marques propres a été un long travail, raconte Nicolas Saliou. Nous avons proposé ensuite de produire sous MDD, ce qui nous a obligés à monter en régime et en compétence, en obtenant notamment le label International Food Standard. Nous en sommes au stade 2 et continuons. Nous ne sommes qu’une dizaine d’opérateurs à livrer des MDD en France, ça nous a fait passer un cap. »

Profitant d’un marché dynamique, notamment depuis la Covid, les deux frères veulent devenir « incontournables » dans les Côtes-d’Armor, premier département français en nombre de poules pondeuses, et en Bretagne. « Nous aurons 30 % de parts de marché en 2026, ce serait bien d’atteindre 50 %. Après, il faudra savoir freiner la machine, souffler et asseoir tout ça », conclut le dirigeant.

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